L’article sur le “Show, Don’t Tell” en express pour les entrepreneurs débordés ➡️
Si vous désirez écrire un livre de non-fiction, vous le savez, il vous faudra faire preuve d’une grande pédagogie pour rendre vos connaissances agréables à lire.
L’être humain aime apprendre, certes, mais il est aussi facilement lassé par les contenus théoriques. Il préfère apprendre en s’amusant ou, du moins, que sa lecture lui procure un certain plaisir. Sinon, il consulterait des articles universitaires !
Délivrer votre information de manière brute ne suffira donc pas et user des mêmes procédés que pour votre blog, non plus : vous êtes dans un livre, je vous le rappelle !
Cependant, une technique qui pourrait grandement vous aider : le « Show, Don’t Tell » ou l’art de montrer plutôt que d’énoncer (le sens peut se révéler plus large en fiction… les joies de la théorie littéraire !).
Il s’agit d’un procédé bien connu des scénaristes américains qui a envahi le monde de l’écriture moderne (merci Stephen King). Mais croyez-moi, ce concept existait bien avant.
« Show, Don’t Tell », un conseil ancestral pour des récits vibrants
Sur les réseaux, ce sont souvent les écrivains et les copywriters qui vous parlent du « Show, Don’t Tell » alors que le concept, sous cette forme, a été popularisé dans le milieu du septième art. Et à juste raison.
Au cinéma, on considère que la bonne manière d’évoquer les sentiments d’un personnage ou une ambiance n’est pas de les nommer, mais de les montrer par des jeux d’acteurs et de mise en scène.
Par exemple, plutôt que Caroline affirme : « Je suis stressée, j’attends les résultats du bac », il conviendrait de la filmer devant son lycée, dans une attitude qui témoigne de son anxiété. Vous montrez au lieu de dire.
Cette technique est parfaitement adaptée aux productions cinématographiques parce qu’il s’agit d’un art visuel et à tendance réaliste. Or, dans la vie, les gens déclarent rarement ce qu’ils ressentent et la rue ne crie pas qu’elle est obscure. Donc pour le cinéma, « Show, Don’t Tell » fait sens.
Les écrivains contemporains se sont par la suite emparés de ce procédé par le biais du plus célèbre des auteurs outre-Atlantique : Stephen King. Dans son ouvrage Mémoires d’Écriture, notre auteur horrifique préféré insiste sur l’importance de montrer pour rendre son histoire captivante. Et vous vous doutez bien qu’un conseil de King devient vite très populaire dans la communauté littéraire.
Pourtant, la technique du « Show, Don’t Tell » existait bien avant lui en littérature. Elle pourrait même remonter à Aristote et à ses recommandations sur le mimétisme.
Pour simplifier, l’auguste philosophe considérait que l’art se devait d’imiter la nature. Il ne suffisait pas de dire « oh là là, les passions sont mauvaises pour les humains », mais de l’illustrer par les actions des personnages et la description de leurs sentiments. Ainsi, dans l’Iliade, Homère ne dit pas « Achille est en colère », il le représente en train de se rouler par terre comme un gamin capricieux.
Sautons un peu dans le temps, lorsque Lamartine cherche à dépeindre les mouvements de son âme, il n’écrit pas « je me sens seul », mais « un seul être vous manque et tout est dépeuplé ».
De la même manière, lorsque Balzac vous décrit un escalier pendant 30 pages, c’est pour que vous puissiez voir cet escalier et en tirer des conclusions sur la réalité (géographique, sociale, symbolique) du lieu. C’est le réalisme : imiter la sensation de réel.
Enfin, je suis obligée de mentionner Tchekhov, même si son approche me semble légèrement différente parce qu’il est à la fois novelliste et dramaturge. Sa pratique du théâtre a forcément influencé ce conseil.
La botte secrète des copywriters qui captive votre attention
Avec l’essor de l’entrepreneuriat et des techniques de vente inhérentes à cette activité, le « Show, Don’t Tell » a trouvé un autre terrain de jeu dans le domaine du Copywriting. Ces professionnels de la persuasion l’utilisent pour créer une connexion avec votre audience et lui donner envie d’acheter.
Le principe consiste à décrire, avec suffisamment de précision, les réactions d’un potentiel client face à une problématique ou à sa résolution.
Dans le premier cas, les copywriters insisteront sur l’émotion négative ressentie et la manière dont elle s’exprime. Par exemple, plutôt que d’écrire « vous vous sentez mal en maillot de bain », ils mettront en avant vos réactions physiques : vous gardez votre tee-shirt malgré la chaleur étouffante, vous regardez dans différentes directions avant d’ôter la serviette qui vous couvre après la baignade, vous baissez la tête dès qu’une femme à la silhouette avantageuse passe dans votre champ de vision, etc. L’objectif est de faire percevoir au client que sa douleur est comprise.
Dans le second cas, les copywriters vous proposeront une visualisation. Cette fois, ils tenteront de dépeindre l’état idéal que votre client souhaite atteindre. Au lieu d’écrire « Vous allez perdre 10 kilos, vous muscler et vous sentir bien », ils insisteront sur la manière dont ce bien-être se traduit : la fierté d’entrer dans un nouveau vêtement, la joie de s’élancer dans les vagues sans craindre les regards moqueurs, l’admiration de votre partenaire, etc.
Lorsque c’est bien fait, le résultat est redoutablement efficace.
Bien entendu, les émotions s’expriment différemment pour chacun. Par exemple, le sentiment d’amour. J’en parlais, il y a quelques années, avec des collègues. L’une me disait ressentir des papillons dans le ventre (le plus représenté en écriture… pourquoi ?), une autre avoir les mains électriques, quant à moi c’est plutôt une sensation de voler.
D’où l’importance pour les copywriters de bien connaître la clientèle d’un business et pour les écrivains d’offrir un panel de personnages aux réactions diverses.
Comment s’en emparer en non-fiction pour rendre son livre captivant
La technique du « Show, Don’t Tell » pourrait vous sembler éloignée de ce que vous faites. Après tout, vous cherchez à enseigner ou renseigner sur un sujet. Pourtant, elle peut vous être utile parce que les livres théoriques partagent avec les formations le même problème : ils ne sont pas toujours lus en entier et encore moins appliqués. Or, vous avez besoin que vos lecteurs aillent jusqu’au bout et obtiennent des résultats concrets.
Dès lors qu’ils terminent et apprécient suffisamment votre texte pour le mettre en pratique (ce n’est pas une mince affaire, croyez-moi), ils auront davantage tendance à en parler et à le recommander ou, encore, à sortir la carte bleue pour acheter vos services/offres/produits.
Vous devez donc rendre votre livre captivant et quoi de mieux que de s’accaparer la technique des meilleurs scénaristes hollywoodiens, des auteurs de Best-sellers et des Copywriters à 1 million ?
En non-fiction, plusieurs choix s’offrent à vous :
La technique « à la lettre » avec l’emploi d’exemples.
Lorsque vous construisez une explication ou une argumentation, vous respectez généralement un schéma précis du type « idée/fait » + « argument/preuve » + « exemple ».
Je vous montre :
Le concept principal au cœur de l’Humanisme littéraire est le retour à l’humain (fait). Ainsi, Rabelais met-il en scène dans ses romans le corps sous tous ses aspects, glorieux ou non, mais jamais humilié (preuve). Son héros est un géant dont la braguette est longuement décrite et lorsqu’il arrose de son urine le peuple de Paris mécontent, l’acte scatologique est érigé au rang d’exploit guerrier (exemple).
L’exemple sert donc à illustrer vos idées. Il est l’approche la plus littérale du « Show, Don’t Tell » et vous l’utilisez déjà sans doute. Bien entendu, l’exemple peut aussi être visuel au sens premier. Je me souviens m’être plainte d’un livre sur l’archéologie qui parlait de constructions antiques, sans jamais en fournir de photos ou de croquis.
La technique préférée des copywriters, l’anecdote (ils disent « storytelling »).
Généralement, je n’aime pas trop quand un auteur de non-fiction se met en avant dans son livre. Je m’en fiche un peu de sa vie, je veux ses techniques pour réussir quelque chose. En revanche, l’anecdote personnelle bien maniée est une façon de captiver ses lecteurs, notamment lorsqu’elle illustre le pouvoir d’une pratique.
C’est bien joli de dire « obtenez une envie irrésistible de quelque chose », c’est encore mieux de raconter comment pendant des mois vous avez donné à votre enfant né malentendant la volonté de dépasser son handicap (Qui a reconnu le livre dont est tiré cet exemple ?). Vous agrémenterez le tout de vos émotions.
L’idée est double : que votre lecteur entre en résonance avec votre vécu (ce qui lui donnera envie d’appliquer votre solution) et qu’il puisse mobiliser facilement un exemple au besoin (ce qui l’aidera à dépasser ses anciens schémas en situation).
Ma technique favorite, la visualisation.
Cette manière de montrer plutôt que dire est très intéressante lorsque vous abordez des concepts abstraits ou des réalités disparues.
Comment, par exemple, expliquer à votre lecteur la frayeur d’un Gaulois craignant que le ciel ne lui tombe sur la tête (le croyaient-ils vraiment ?) ? Vous ne pouvez pas vous contenter d’écrire « les Gaulois avaient peur que le ciel leur tombe sur la tête. » Ce serait risible et vos lecteurs auraient du mal à percevoir l’importance de cette croyance parce qu’ils savent eux, qu’une telle éventualité est un fantasme. Pourtant, pour la suite de votre livre, vous avez peut-être besoin que votre lecteur comprenne cette réalité qui a sans doute influencé des pratiques essentielles à une meilleure connaissance de cette civilisation.
Vous remplacerez donc votre phrase déclarative par un récit qui décrira ce qu’aurait pu ressentir notre valeureux petit Gaulois, tout seul dans les plaines alors que le ciel lourd de nuages noirs semble se rapprocher de la terre. Comment il se sent minuscule avec cette chape de plomb au-dessus de lui, comment ses sens sont en alerte pendant que le long de son échine un frisson glacial le parcourt.
Vous voyez l’idée.
Dans votre livre, vous veillerez à varier chacune de ces méthodes : des visualisations constantes peuvent alourdir votre exposé, certains arguments requièrent des exemples tangibles et trop d’anecdotes lassent les lecteurs. N’oubliez jamais qu’ils vous lisent pour apprendre une connaissance ou une compétence (à nuancer pour les autobiographies).
Pourquoi le « Show, Don’t Tell » fonctionne
La technique du « Show, Don’t Tell » est puissante et de nombreux professionnels l’intègrent à leurs pratiques commerciales. Si elle leur fait gagner de l’argent, elle devrait aussi donner un petit coup de fouet à votre livre de non-fiction.
Croyez-moi, vous en aurez besoin parce qu’il existe beaucoup de livres sur votre thème. Et des documentaires, et des vidéos YouTube. Si vous voulez retenir l’attention de votre lecteur, vous devez lui éviter l’ennui (il finira toujours par en ressentir un petit peu, mais c’est un autre sujet).
Lorsque vous incluez des passages de « show » au milieu de tout votre « tell », vous commencez à scénariser votre livre. Le lecteur ne fait pas que s’instruire, il se divertit en même temps et éprouve différentes émotions.
Cela rend votre livre mémorable à plusieurs niveaux.
Tout d’abord, le lecteur se souviendra avoir aimé lire votre livre et sera plus enclin à le recommander chaudement ou à vous faire confiance lorsque vous sortirez votre prochaine offre (et votre prochain livre).
Cette technique facilite également le processus de mémorisation.
Vous savez, l’émotion joue un rôle important dans la rétention de l’information. Vous êtes plus susceptible de vous souvenir de quelque chose si une émotion forte lui est associée.
C’est l’exemple qu’on donne souvent du 11 septembre 2001. Les personnes qui ont vécu l’annonce de cet événement et qui étaient en mesure d’en comprendre l’impact (je veux dire par là que si vous étiez nourrisson… bon…) se souviennent quasiment toutes de ce qu’elles étaient en train de faire. J’en fais partie et je visualise encore parfaitement ma chambre, puis le salon de mes parents, ma première réaction incrédule (je pensais à un prank puisque je l’ai d’abord entendu sur une radio peu sérieuse), puis la réalité qui me frappe plusieurs heures après tout le monde, en allumant la télévision. J’étais chez mes parents seule et mon copain de l’époque était parti à la Fnac avec des amis pour acheter le dernier CD de Noir Désir.
Vous comprenez, dès lors, ce que peuvent les émotions de vos lecteurs ? Vous avez donc tout intérêt à vous approprier dès maintenant la technique du « Show, Don’t Tell ».
👻✒️C’était Marine, la Dame Pâle qui écrit votre livre.
Quelques procédés pour appliquer le « Show, Don’t Tell » et rendre votre livre captivant :
1. Les comparaisons et les métaphores
Ce sont des figures de style qui reposent sur les sens, notamment la vue.
➡️Ex. : « Je suis stressé » devient « Le stress me ronge de l’intérieur » (métaphore) ou « Le stress s’empare de moi comme un tyran contre lequel on ne peut lutter » (comparaison).
2. L’allégorie
Cette figure de style vous permet de personnaliser un concept abstrait et donc de le rendre plus tangible.
➡️Ex. : « Le stress est mauvais pour la santé » devient « Cet affreux vampire se nourrit de votre santé et pompe jusqu’à la dernière goutte votre vitalité. »
3. Les allitérations et les assonances
Elles rendent tangibles les émotions liées à un son en le répétant.
➡️Ex. : « Je suis stressé » devient « Le stress s’insinue sournoisement dans les synapses de mon cerveau » (allitération en [s]) ou « Le cri strident du stress brise mon esprit affaibli » (assonance en [i] + le petit bonus de l’allitération des occlusives [c’est lorsqu’une consonne est prononcée en bloquant l’air, puis en le libérant d’un coup… essayez, vous comprendrez.] + R.)
4. L’utilisation de verbes de perception et d’action
➡️Ex. : « Je suis stressé » (« être » = verbe d’état) devient « Le stress m’envahit » (verbe d’action) ou « Je sens mes doigts se ramollir sous la caresse humide de la sueur » (verbe de perception).
5. L’ emploi d’adjectifs précis (et d’adverbes !!!)
➡️Ex. : « Mon visage vire au rouge » devient « Mon visage vire au rouge cramoisi ».
N.B. Je n’ai pas donné d’exemple avec les adverbes. Ils sont assez mal vus dans le monde du livre, à tort, selon moi, parce qu’ils possèdent une énergie très particulière, surtout les adverbes en -ment (les plus décriés), du fait de leur construction historique.
Pour ne rien oublier lorsque vous écrivez votre livre ➡️