Je me suis posé cette question en me promenant ce matin à travers les champs de ma petite ville du Nord. Vous devez le savoir si vous avez l’habitude de me lire ici ou sur d’autres plateformes : je suis écrivain et prête-plume.
Je n’ai pas commencé par cela parce que je me suis mis des barrières idiotes (telle certification alors que j’ai enseigné le français pendant 10 ans, syndrome de l’imposteur alors que j’écris depuis que je suis en âge de tenir un stylo, etc.). Outre ces raisons, je me disais également qu’il me serait impossible de gagner de l’argent de cette manière.
J’ai donc commencé à me lancer dans la rédaction Web SEO, mais je ne savais pas comment vendre mon offre parce que je ne me sentais pas à l’aise avec mon expertise et, surtout, je n’avais pas grand-chose à dire. J’ai écrit de bons articles, j’ai fait de bons sites Web, mais ça n’a rien changé.
Je me suis alors formée au copywriting. J’aimais déjà mieux. Pourtant, quelque chose restait désaligné. Mon mentor me le disait tout le temps : « Marine, écris les livres des gens comme tu le fais avec moi. ».
À chaque fois, je lui répondais : « Non, plus tard. ».
Et puis, un jour j’ai décidé que ce « plus tard » serait « maintenant ». Je ne savais pas du tout dans quoi je me lançais, j’avais peur de folie, mais j’y suis allée tout de même. J’ai parlé de mon offre de prête-plume devant des personnes à la fois admiratives et dubitatives.
« C’est génial, mais t’es sûre qu’il y a un marché ? » « Moi, perso je ne vois pas pourquoi je ferais écrire mon livre par une autre personne »…
Vous savez le plus amusant ? C’est que le gentil jeune homme qui m’a dit la dernière phrase me mettait en contact avec un client une semaine plus tard.
Aujourd’hui, ce contrat se termine. Même si je suis sur un autre livre, réservé par une Maison d’Édition et sur lequel (c’est une exception) je toucherai des doits d’auteur, l’avenir m’effraie.
J’ai peur que tout s’arrête par manque de clients et de devoir, au cœur de l’été, dans ma petite maison du Nord, refaire des vagues de C.V. pour trouver les deniers nécessaires aux croquettes de mes chats.
D’où ma question ce matin lors de ma promenade : pourquoi est-ce si difficile de vivre de sa plume ?
Voici mes réflexions sur le sujet :
Les artistes tous des fauchés !
Nous qui écrivons pouvons avoir trois profils différents : l’intellectuel, l’artiste, le beau parleur.
Ces archétypes, qui ne reposent sur aucune théorie autre que celle qui pope dans mon cerveau, amènent à des pratiques de l’écriture différentes. L’intellectuel aura tendance à se tourner vers le journalisme ou des carrières d’enseignement. Le beau parleur écrira plutôt pour le marketing et l’artiste sera plus enclin à tenter de vivre uniquement de sa plume créative. C’est pour lui que le problème se pose le plus.
L’intellectuel gagnera de l’argent à travers des métiers reconnus. Il aura moins de temps pour ses propres écrits, mais pourra avoir un pied dans le domaine de l’édition et du livre plus facilement.
Le beau parleur s’en sortira très bien financièrement, mais aura sans doute beaucoup moins de temps pour ses propres écrits. Cependant, il aura la possibilité, plus que les autres, de gagner assez d’argent pour basculer vers l’écriture créative rapidement.
L’artiste se trouve en face de deux problèmes : il peut difficilement trouver un métier salarié et, généralement, s’il n’est pas un peu beau parleur naturellement, il aura du mal à se vendre. L’argent ne lui parvient pas facilement, même s’il a tout le temps nécessaire pour écrire ses œuvres.
Bien entendu, on n’appartient pas forcément à une seule catégorie. Pour ma part, j’estime être à la fois intellectuelle et artiste. J’aurais préféré être beau parleur, croyez-le bien !
Vous me direz alors que tout est réglé, qu’il suffit de suivre l’archétype qui n’est pas artiste et vogue la galère ! Oui, justement, vogue la galère si vous souhaitez rester indépendant. En cas d’un beau parleur, c’est facile. Mais pour les autres ?
Pour ma part, je n’ai pas du tout envie de reprendre un emploi salarié ou d’enseigner à nouveau dans le cadre de l’Éducation nationale : je sais le temps que ça prend, l’énergie que ça dévore et je crains trop de devoir abandonner ma plume créative (certains y parviennent, je connais un écrivain qui est aussi prof et qui a trouvé un très bon équilibre entre les deux, moi, je n’y suis pas parvenue).
Non, je veux vivre de ma plume.
L’erreur du marketing
La solution est d’alors d’apprendre le côté beau parleur ? J’ai testé et voici le problème principal. Lorsque pour gagner votre vie en écrivant vous vous tournez vers des métiers comme le copywriting et le ghostwriting (hors livres), vous vous retrouvez en concurrence avec des personnes qui tabassent niveau marketing.
Je veux dire, les gens qui comptent aujourd’hui dans ces disciplines soit ont des talents naturels de beau parleur, soit sortent d’un cursus commercial. Cela signifie que pendant environ 5 ans, dans des conditions exigeantes parfois, ils ont étudié la discipline, tout ce qui sous-tend la pratique de l’écriture persuasive.
Vous ne pouvez pas lutter ! En tous cas, je sais moi que je ne peux pas lutter, parce que de leur côté, ils ne pourraient pas lutter contre moi en littérature. Vous pensez, j’ai étudié le sujet pendant environ 5 ans, dans des conditions exigeantes parfois, et c’est encore ma passion depuis l’enfance !
Je ne suis pas en train de vous dire que si vous avez choisi de devenir copywriter parce que vous aimez écrire, vous devez abandonner. Non, je vous préviens seulement de ce à quoi vous ferez face. Mais peut-être ne voulez-vous pas concurrencer les plus grands et simplement faire votre petit business.
Oui, c’est plus envisageable, mais vous vous retrouverez malgré tout face aux beaux parleurs et permettez-moi de vous rappeler qu’en autoentreprise, les cotisations retraite (même si elles augmentent) ne sont pas ouf. Vous devez donc gagner assez pour vivre correctement, faire vivre votre entreprise et préparer la retraite. On arrive facilement à 3 000 € par mois, ce qui est une certaine somme !
C’est la condition pour vivre sereinement de votre plume.
Un problème de barrière
Maintenant qu’on a posé ces choses, j’aimerais qu’on essaye de comprendre pourquoi. Pourquoi est-ce si difficile, au-delà de considérations personnelles comme les archétypes et la plus grande facilité de certains à vendre que d’autres.
Et lorsque je me demande pourquoi, la question qui suit est souvent « c’était comment avant ?». Est-ce que les écrivains et gens de plume ont toujours eu des problèmes avec leurs finances ?
Normalement, sans réfléchir, vous devriez me répondre « oui » parce que vous aurez en tête la figure du poète maudit qui traverse une partie du XIXe siècle et qui nous est parvenue quasi intacte. Hé bien, cette représentation n’a pas toujours été vraie.
Reposons les choses. Dans l’ancien temps, une infime partie de la population savait lire et écrire. Vous, moi, si nous étions nés au XVIe siècle, par exemple, nous serions très certainement montrés incapables de lire ces lignes. Alors écrire de la grande littérature, certainement pas !
Ceux qui avaient le luxe de pouvoir apprendre l’écriture venaient de familles nobles. Alors, tous les nobles n’étaient pas riches, mais ils disposaient du temps nécessaire pour se vouer à l’écriture et n’avaient pas les mêmes contraintes pécuniaires que nous pauvres travailleurs du XXIe siècle (c’était d’ailleurs très mal vu pour un noble de travailler).
Donc, si vous étiez un écrivain, sous l’ancien régime, vous représentiez un tout petit pourcentage de la population. Ce qui n’est plus le cas aujourd’hui avec la massification de l’éducation. De nos jours, n’importe qui peut prétendre écrire un livre (je ne dis pas forcément un bon livre). C’est d’ailleurs une envie très répandue. Je crois que les chiffres sont 1 personne sur 2, c’est énorme.
Dans de telles conditions, il est plus difficile de parvenir à vivre de sa plume : plus de concurrence (auteurs et livres), saturation de la plupart des maisons d’édition et, parallèlement, un nombre de lecteurs qui n’augmente pas forcément. J’avais lu, je ne sais plus où, une phrase qui disait qu’il y avait plus d’écrivains que de lecteurs.
Le problème est le suivant : il n’y a plus de barrière à l’entrée.
Tout le monde peut écrire et proposer son livre. Et la situation s’est amplifiée avec la digitalisation de la société : même sans maison d’édition, vous possédez les outils pour écrire, publier et vendre votre livre. Le goulot d’égorgement se situe plus loin, au niveau des ventes. Là où nous sommes si nombreux à buter puisque notre talent est l’écriture, pas le commercial.
Nous partons tous avec un désavantage pour vivre de notre plume.
C’était mieux avant, alors ?
La tentation est grande de se réfugier dans l’amertume et de proclamer que c’était mieux avant, qu’il faudrait que moins de personnes écrivent, que le monde est injuste. Honnêtement, cela ne vous mènerait pas à grand-chose. Le monde est tel qu’il est. Point.
Et pour vous rassurer, ce n’était pas mieux avant. Comme je vous l’ai indiqué plus haut, avant le XIXe, vous n’auriez probablement même pas pu écrire. Si cette possibilité s’était offerte à vous, votre plume n’aurait pas été libre. Vous auriez soit dépendu d’un mécène dont vous auriez dû cirer les pompes, soit de normes sociétales et littéraires très strictes.
À partir du XIXe siècle, vous vous seriez retrouvé dans la même situation qu’aujourd’hui : trouver un travail. Beaucoup d’écrivains étaient journalistes par exemple. Donc non, ça n’aurait pas été mieux avant.
T’es mignonne, mais on fait quoi ?
Vous allez me tuer si je réponds « je ne sais pas » ?
Je n’en suis pas encore à cette question et dans cet article, je voulais surtout explorer les raisons qui nous empêchent de vivre correctement de notre plume. Je crois que lorsqu’on a une vision claire d’un problème, il nous est plus facile de trouver une solution. Ou du moins, le problème nous semble moins complexe ou insoluble.
Je peux vous livrer quelques exemples de solutions trouvées par des écrivains :
- Épouser quelqu’un qui accepte que vous vous consacriez à votre carrière (dangereux pour l’autonomie. Pas testé.)
- Prendre un job alimentaire qui demande peu d’implication et vous consacrer à votre carrière sur votre temps libre (pas toujours gratifiant, surtout si votre carrière d’écrivain ne décolle pas. Pas testé.)
- Prendre un job qualifié dans un domaine très proche et vous consacrer à votre carrière sur votre temps libre (risque d’abandon de la carrière d’écrivain ou de fort ralentissement. Testé : quasi abandon, peu de temps, d’autres préoccupations, plus compliqué de s’y mettre.)
- Monter une entreprise et vendre des services, des formations ou des produits (si ça ne marche pas, vous vous retrouvez à la case départ. Testé : gros ralentissement dans mon écriture, inquiétudes, perte de confiance)
- Devenir artiste-auteur et ne vivre que de vos droits d’auteur (le plus risqué parce que peu d’élus)
En vérité, je pense que la seule solution valable est celle que vous trouverez pour vous-même. Je sais que ce n’est pas satisfaisant, que vous préféreriez une réponse toute faite et simple à appliquer tout de suite.
Je ne crois pas en cela.
Je crois en la capacité de chacun à se poser avec lui-même et d’inventer ce qui fonctionne pour lui. C’est ce que je suis moi-même en train de faire et c’est toujours ce qui m’a le mieux réussi pour écrire mes nouvelles, pour réussir mes études. Je l’ai un peu abandonné en voulant entrer dans le moule lorsque j’étais enseignante : ça a été la pire période de ma vie.
Alors, réfléchissez, observez, inspirez-vous et trouvez votre propre chemin pour vivre de votre plume. Promis, si je trouve ma solution, je la partagerai avec vous.
👻✒️C’était Marine, la Dame Pâle qui écrit votre livre.